Où Pourquoi préférez-vous la poudre Tide?
Que penser de l'introspection et sommes-nous vraiment capable de relater ce qui nous influence et nous motive dans nos choix et nos décisions un peu complexes?
Notre amusante démonstration de psychologie scientifique est basée sur un article déjà ancien des psychologues Nisbett, R.E. et Wilson, T.D., Telling More Than We Can Know: Verbal Reports on Mental Processes, Psychological Review, 1977, 84, 231-259. Titre de l'article que nous pourrions traduire par En dire plus que nous ne pouvons: rapports verbaux sur les processus mentaux.
Les auteurs se demandent quelle est la validité et la fiabilité d'une démarche d'enquête visant à demander aux gens, directement, d'expliquer pourquoi par exemple ils achètent telle marque de chocolat. Les gens ont presque toujours une réponse à donner. Mais que vaut leur réponse? Et sont-ils bien conscients de ce qui les influence?
Une approche expérimentale de la question
En psychologie scientifique expérimentale, on travaille souvent sur des groupes que l'on compare. C'est ce que font les psychologues en créant deux groupes qu'ils vont étudier: un groupe expérimental, et un groupe contrôle. Dans chacun des deux groupes, les personnes sont prises une à une et on leur demande de mémoriser des paires de mots. Table-chaise, fenêtre-porte, pain-beurre, etc.
Le groupe expérimental doit retenir une paire de mots bien précise
Et en effet, c'est là que se situe l'astuce. Dans un des deux groupes seulement, il y a un élément introduit par les psychologues: une paire de mot bien particulière... la paire océan-lune. C'est en cela qu'on parle d'un groupe expérimental, qui sera comparé ensuite au groupe dont les personnes n'ont pas dû retenir cette paire particulière océan-lune: le groupe contrôle.
Quelle est votre marque de poudre à lessiver préférée?
C'est en effet la question qui est posée à tout le monde ensuite. Et ce qu'observent les psychologues est très rigolo: les personnes du groupe qui a dû retenir la paire de mots océan-lune relatent beaucoup plus la poudre à lessiver Tide (qui n'existe plus aujourd'hui). L'expérience se déroule en anglais, et notez qu'en anglais, Tide veut dire marée... phénomène physique bien connu lié à l'interaction entre la lune et l'océan.... notre paire de mots mémorisée.
Première conclusion: les psychologues ont manipulé les gens du groupe expérimental, et le facteur qui joue est le fait d'avoir retenu la paire de mots Océan-Lune. Ca va, vous suivez? On continue...
Les personnes en sont-elles conscientes ?
La réponse est... pas du tout. Les personnes interrogées ensuite, à qui il est tout simplement demandé pourquoi avez-vous choisi la poudre Tide, s'avèrent tout à fait incapable de faire le lien avec la paire de mots Océan-Lune qu'ils ont dû mémoriser, et le choix d'une poudre à lessiver dont le nom évoque la marée. Ils font plutôt référence au fait que la boîte est jolie et que sa couleur attire l'attention, ou au fait que leur maman utilisait cette poudre quand ils étaient petits.
C'est là que le groupe contrôle prend tout son sens, puisque le facteur qui fait la différence entre les deux groupes, rappelons-le, est bien cette fameuse paire de mots qui a influencé les sujets d'un groupe dans leur choix.
En conclusion
Les psychologues ont démontré dans cette expérience à la fois simple, originale et créative, mais néanmoins efficace, que nous sommes très peu capables de faire le lien entre une cause et sa conséquence dès lors qu'il s'agit d'influences subtiles. Bien sûr, si je vous marche sur le pied, et que vous criez AIE, vous ferez le lien entre les deux. Mais plus ça se complique, moins les liens deviennent évidents.
Les psychologues ont également démontré que nous avons par contre toujours une explication valide ou probable ou plausible à avancer. Alors que les sujets du groupe expérimental sont influencé par une mémorisation de mots, il diront que l'influence est identifiée du côté de leur maman qui achetait la poudre ou par la couleur de l'emballage.